Quand j’ai lancé un appel sur Facebook pour être mis en contact avec des profils atypiques de développeurs, j’ai reçu une proposition inattendue d’un ami, Charly, qui me parle alors de son patron, un astrophysicien devenu développeur puis finalement cofondateur d’une startup dans les Smart Grids.
Proposition déjà étonnante au départ, j’étais loin de m’imaginer que cela m’emmènerait à parler entreprise libérée & d’holacratie. Voici son portrait.
La physique, cet univers impitoyable
David, 34 ans, est originaire de la région parisienne. Passionné depuis son plus jeune âge par l’astrophysique et les trous noirs, il ne s’est juste pas posé de question après le bac : ce sera la FAC d’Orsay pour des études mêlant physique, maths et informatique. Passionné, il obtient un master en planétologie et un magistère en physique fondamentale.
Ce parcours exemplaire lui permet d’obtenir la seconde place de son Master et ainsi prétendre à une bourse. Avec cette bourse, il compte poursuivre une thèse portant sur la naissance des étoiles massives, un sujet encore difficile à expliquer selon lui. Mais peu de temps après, la bourse lui échappe : un de ses profs veut le faire travailler sur un autre sujet et, face à son refus, dégrade ses notes. Lui faisant ainsi perdre tout espoir de bourse, et donc de thèse.
Scandalisé par cette manœuvre, David pense pouvoir attendre 1 an avant de reprendre le chemin de sa passion. Il enchaîne alors les petits boulots et les rencontres, comme celle avec celui qui sera son futur cofondateur, l’aidant à monter un projet technologique dans le cadre de sa formation à Telecom Paris Tech.
Cependant l’année suivante, on lui annonce qu’il est trop âgé pour pouvoir poursuivre une thèse, ayant 27 ans. Déçu mais pas abattu il se met alors en quête d’un travail, quête difficile s’il en est, les recruteurs n’embauchant pas un garçon qui sort à peine de Fac avec des études de physique en poche.
De la reconversion à l’action
Face à cette situation tendue, et sans envie folle, David décide de se reconvertir et s’inscrit dans une école de formation au code en 2 ans et en apprentissage, le CFA AFTI, dont il doit pouvoir sortir avec le diplôme d’ingénieur logiciel, trouve alors une alternance chez Thales et débute la formation.
Le moins que l’on puisse dire c’est qu’il ne trouve pas cela passionnant. La formation consiste essentiellement à réviser les bases du code : Java, C++, assembleur, Ada, les temps réels, les réseaux, quelques bases sur la programmation objet, etc. L’école lui permet de comprendre comment marche le code mais pas comment bien l’utiliser.
Une seule chose le motive vraiment durant cette formation : le projet libre. Les élèves doivent construire un prototype logiciel d’une idée suivant certaines contraintes techniques. Enthousiaste à cette idée, David décide de collaborer avec son ami sur un projet dans les Smart Grids consistant essentiellement à collecter des données de compteurs communiquants et à restituer les consommations au client.
Au fur et à mesure du projet les 2 amis en voient le potentiel et décident assez naturellement d’en faire une entreprise. David finit alors son apprentissage, et, avec 3 autres cofondateurs créent Smartside, une aventure entrepreneuriale qui dure depuis 7 ans maintenant.
Libéré, délivré !
En discutant avec David, 2 choses ressortent clairement : un attachement fort au coté artisanal de son travail et un refus du fonctionnement de l’entreprise traditionnelle (Thalès lui ayant laissé un mauvais souvenir quant à sa gestion des apprenti·e·s) guidé en partie par un livre, La fin du Management de Gary Hamel.
Dès le départ c’est donc naturellement que les fondateurs décident de développer ensemble leur outil, quelques soient les différences de niveaux. C’est également ensemble qu’ils apprennent de leurs erreurs, adoptant le Test Driven Development ou encore le pair programming comme fondement de leur démarche.
Mieux encore, partant des bases de l’holacratie et de l’entreprise libérée, les fondateurs comme l’équipe changent de rôle régulièrement, considérant que chacun n’est pas forcément le plus légitime au poste qu’il occupe, organisant des élections à l’issue desquelles celui ou celle qui est désigné·e par les votes occupe le poste, à moins de le refuser.
En complément des méthodes agiles, toute l’équipe adopte également l’attitude du Software Crafstmanship, une attitude artisanale similaire à celle des compagnons, une logique communautaire qui consiste à développer les meilleurs tracking du moment et à les diffuser en interne et/ou externe, sur la base d’un manifeste en ligne.
Fidèle au Shuhari, ce concept japonais qui décrit les 3 étapes de l’apprentissage, composé de Shu (apprendre les fondamentaux), Ha (trouver de nouvelles approches) et Ri (Transcender), toute l’équipe fait régulièrement des Katas, des séances d’entrainement au code de 30 min, ou 10 devs prennent un bout de code et l’automatisent au maximum.
What about future ?
Dans le cadre de son poste actuel de scrum master / formateur / PO / sélectionneur (présélection candidats, sourcing, organisation des élections), et tout en mettant régulièrement les mains dans le code, David se concentre sur ses leitmotivs : partager son savoir faire, apprendre en permanence et atteindre une certaine forme d’excellence.
Et cela paye. David et son équipe, forts de leur fonctionnement, ambitionnent de révolutionner la gestion de l’électricité avec la sortie d’une version complète de leur système d’information en milieu d’année. Ils visent des marchés prometteurs comme la Tunisie, tout en continuant à développer des marchés comme la France et la Belgique.
NB : Si vous avez un parcours étonnant, que vous avez suivi une formation différente pour devenir développeur·se, que vous êtes autodidacte, bref que vous êtes atypique, n’hésitez pas à m’écrire à cette adresse : [email protected]